Réforme des retraites : pour le MHAN, c’est non !

Publié le 31/01/2023

 

Elle fait partie du projet d’Emmanuel Macron depuis 2017, et pourtant, elle n’a plus grand-chose à voir avec sa mouture initiale présentée au début de l’année 2020. La réforme des retraites demeure, et ce pour longtemps, un sujet sensible. Nul n’ignore les manifestations qui ont rythmé l’actualité en 1995 et 2010, et que nous commençons à peine à traverser cette année.

Les sondages montrent pourtant que deux tiers des Français sont favorables à une réforme. Le rejet populaire de la copie d’Elisabeth Borne réside donc dans la nature de la réforme.

 

1) Décalage de l’âge de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans et augmentation du nombre d’annuités de 43 à 44 années.

Les raisons invoquées par la majorité présidentielles sont les mêmes que leurs prédécesseurs UMP de 2010 : le modèle de retraites est structurellement déficitaire et l’espérance de vie augmente. Nous savons ici que ces arguments sont nuls et non avenus.

• La prise en compte des données officielles indique clairement que notre régime de retraites n’est pas déficitaire en l’état : il est même légèrement excédentaire et restera équilibré pour plusieurs décennies si l’on en croit l’évolution de la répartition des âges.

• En mettant en avant l’espérance de vie, l’exécutif (et l’UMP à l’époque) en arrivent à une notion singulière : la productivité au travail. Nous serions en vie plus longtemps, donc productifs plus longtemps. Nous dénonçons régulièrement cette vision fausse et étriquée de la productivité. Sans santé au travail ni motivation quotidienne, la durée du travail n’apportera rien. La meilleure manière d’augmenter la productivité, c’est de donner envie au salarié de se rendre au travail par un rythme et une étendue soutenables, des conditions de travail dignes et humaines, un niveau de vie satisfaisant et une réelle participation aux décisions. C’est la raison pour laquelle nous sommes attachés à la participation du salarié au capital de l’entreprise.

À l’issue du vote de cette réforme, un étudiant diplômé démarrant sa vie professionnelle à 26 ans travaillera jusqu’à ses 70 ans minimum. Est-ce réellement juste et soutenable ?

Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous opposons tant à l’augmentation de l’âge de départ qu’à l’augmentation de durée de cotisation. Le gouvernement ayant annoncé il y a quelques jours que toute négociation de cet aspect de la réforme serait vain, nous appelons au retrait immédiat du projet de loi.

 

2) Garantie pour les retraites à taux plein de ne pas se situer en-dessous de 1200€ bruts par mois

Cette proposition est issue des Républicains. Ceux-ci ne se privent pas de le clamer haut et fort. Pourtant, cette annonce bruyante n’apportera que des modifications réduites par rapport à la situation actuelle.

• il est question de 1200€ bruts par mois ; cette augmentation est donc minime. Quid d’une telle somme pour les retraités devant, pour certains, financer un séjour en EHPAD à moyen terme ?

• ce seuil est conditionné à l’obtention d’une retraite à taux plein, et n’aura aucun impact sur les personnes n’ayant pas la chance de réaliser 44 ans de carrière à temps plein sans accident. À ce stade, rien ne permet d’améliorer leur sort.

La disposition censée incarner le progrès social du texte de loi n’est donc qu’un moteur supplémentaire d’inégalités, une rupture d’universalisme, terme dont se prévalait pourtant Emmanuel Macron lors du débat sur le projet de réforme de 2020.

 

3) Introduction de quotas pour les entreprises dans le recrutement des seniors

Le gouvernement était attendu au virage sur ce sujet à l’ampleur croissante, et que le projet de réforme de retraites impacte le plus logiquement qui soit.

Elisabeth Borne promet donc l’introduction de quotas dès 2023 pour les entreprises de plus de 1000 salariés, étendu l’année suivante à toutes les entreprises de plus de 300 employés. Se contenter de cet artefact revient à ignorer un fait que la droite est pourtant la première à rappeler : les entreprises qui créent le plus d’emplois sont les TPE et PME ! Cette modification n’aura donc que des conséquences lilliputiennes. La réforme gouvernementale créera donc plus de chômage des seniors qu’elle n’en résoudra. Quelles conséquences sur un chômage des plus jeunes toujours plus préoccupant ? Sur leur regard face à une telle durée de travail demandée par cette réforme ?

Il paraît en revanche évident qu’introduire des quotas pour les PME/TPE relève de la science-fiction et ne serait jamais appliqué, même avec la meilleure des volontés. Le MHAN publiera une proposition motrice sur ce sujet très prochainement.

 

4) 2020-2023 : une régression sur le fond

L’évolution la plus systémique de la politique française se retrouve dans ce projet de loi : l’appauvrissement intellectuel et la disparition progressive des sujets de fond. La disparition également de toute notion de cohérence d’ensemble.

Il y a trois ans, la réforme avortée des retraites était articulée autour d’un maître mot : l’universalisme. En découlaient le système par points (s’opposant aux annuités en vigueur aujourd’hui), l’âge « pivot » de départ à la retraite et la disparition de tous les régimes spéciaux.

Ce projet était donc certes impopulaire et suscitait notre méfiance, mais se prévalait d’une cohérence et d’une richesse de fond que l’on a retrouvées dans les débats à l’Assemblée. Cette année, la majorité présidentielle centriste se contente des mêmes thématiques et éléments de langage que la droite UMP d’il y a dix ans, elle-même bégayant de quinquennat en quinquennat...

 

5) Un texte à vocation… politique !

Face à un projet aussi insipide et incohérent, nous pensons que l’intérêt de l’exécutif est politique.

L’enjeu pour la majorité présidentielle semble clair : se débarrasser des Républicains, historiquement favorable à ce type de réforme des retraites, en vue de récupérer les suffrages dont ils ont été privés par des députés à l’ancrage territorial solide. Le choix d’une loi portant sur l’immigration après le projet « retraites » témoigne de cet alignement politique. Dans beaucoup de contextes, LR serait d’ailleurs le grand perdant d’une éventuelle dissolution de l’Assemblée Nationale en cours de mandat, qui semble de plus en plus envisagée par le Président de la République. Emmanuel Macron semble donc vouloir calquer le schéma politique français sur celui en vigueur en Russie : un centre opportuniste omniprésent, bordé de deux oppositions extrémistes et caricaturales. Cet avenir politique, nous n’en voulons pas, et nous le combattrons sans relâche !

 

En guise de conclusion, le MHAN s’oppose à la réforme des retraites pour ce qu’elle est : un projet dont la cohérence et la justice sociale ne sont clairement pas les objectifs, servant un agenda politique qui mènerait la France à l’impasse et la priverait de tout avenir.
 

Le Bureau du MHAN

 

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